Sim's - Etats d’hommela fourehttps://2img.net/r/ihimizer/img84/1230/163ks4.jpgTracklist1. Regardez-nous (voix additionnelle: Kerida / Cuts: DJ Oddrock)
2. Apparences
3. Au-delà de ses yeux
4. Zapping
5. Parce que tout seul
6. Etats d’hommes feat. Sako (Chiens de Paille) (Cuts: DJ Menas)
7. Au-delà de ses yeux (instru)
8. Parce que tout seul (instru)
Durée: -
Support: cd
Label: polak rekordz
Date de sortie: fin mars 06
la chroniqueSim’s arrive dans ton rap suisse, chérie. Mais ne t’inquiète pas. Il n’est pas du genre à défoncer la porte (surtout si, comme souvent, elle est ouverte). Non, lui, il va plutôt sonner et attendre qu’on aille lui ouvrir. Sourire, entrer, s’asseoir, puis attendre qu’on aille vers lui, que l’on demande à entendre ce qu’il a à nous dire. Alors, il ne se fera pas prier. Il parlera, exposera les conclusions de ses réflexions, ses questionnements, ses peines. Car, pour celui que l’Etat civil connaît en tant que Simon Seiler, le rap, c’est d’abord un texte, un message. Puis, une ambiance, une émotion. La technique? Au service de ces priorités. Avec cet EP, qui succède à son premier album, Je la rêve, le Jurassien tente de rappeler qu’un bon disque de rap, ça peut – aussi – être ça.
Le travail de Sim’s est extrêmement personnel. Il a ses partis pris, son style, sa direction artistique. Aussi, ne voir, associés à son disque, qu’un nombre restreint d’invités ne surprend guère. La production est, à l’exception d’un titre, assurée par le Pacte des Loops (du label Polak); l’honneur d’être le seul producteur invité revenant au Fribourgeois Clem’s (sur Regardez-nous). Par ailleurs, l’aspect musical du disque profite de l’apport bienvenu de Markus Moser, guitariste jazz et collaborateur régulier de Sim’s. La tracklist n’est pas, non plus, encombrée d’invités au micro. Seul, le monumental Sako des Chiens de Paille accompagne le Jurassien, sur le titre qui donne son nom à l’EP: «C’était la seule personne avec qui j’avais vraiment envie de travailler…», raconte-t-il. Pour finir, DJ Menas et DJ Oddrock pose quelques cuts sur deux morceaux.
Ce qui marque, alors que le disque tourne pour la première fois dans lecteur, c’est la cohérence, l’homogénéité de l’ensemble. On retrouve Sim’s tel qu’on le connaît: le rap est posé, le texte soigné et la production mélodique. Classique. Néanmoins, on atteint d’entrée de jeu des sommets. La musique offerte par Clem’s se révèle d’une rare intensité. Mélancolique, par le piano et les chœurs, mais néanmoins puissante, par la batterie qui transcende le tout, Regardez-nous s’impose comme un moment fort de l’opus. Car, en honnête rappeur qu’il est, Sim’s fait honneur au tapis sonore qui lui est proposé en lâchant quelques réflexions quant à sa (devrais-je dire «notre»?) génération. Cette génération qui «se rencontre par internet», qui «ne parle plus de Jean Moulin», mais dans les rangs de laquelle «tout le monde connaît Steevy» Cette génération, enfin, qui inspire tout ce disque, qui en constitue le nœud. A vrai dire, ce morceau introductif résonne de manière fort appropriée comme la problématique de cet Etats d’hommes. Tout est donné. Les thèmes, l’ambiance, les choix artistiques. Ne reste, alors, plus qu’à entrer, en détail, dans ce qu’il y a à dire.
Apparences et Zapping sont les deux morceaux qui répondent le plus formellement à ce Regardez-nous, en cela qu’ils développent des thématiques déjà abordées. Au cours du premier de ces titres, Sim’s creuse l’idée d’un décalage entre «ce qu’on se cache, ce qu’on fait semblant de ne pas être» et ce que l’on donne à voir de soi. Sur une production d’une magnifique légèreté signée par le Pacte des Loops, le rappeur jurassien livre un des textes les plus lourds de sens de l’EP, joue sur les émotions - passant de la mélancolie à une hargne contenue au gré des réflexions qu’il rappe – et fait d’Apparences un autre titre majeur d’Etats d’hommes. Zapping, quant à lui, représente la seule intrusion de Sim’s sur un terrain ouvertement militant. Armé d’un flow plus énervé qu’à l’accoutumée qui ne lui réussit qu’à moitié, le rappeur largue trois couplets de critiques à l’égard de la télévision. Tout y passe: la télé-réalité, le journaliste d’information et, entre autre, la passivité du spectateur. Moins nuancé que d’habitude, Sim’s ne parvient pas à donner à Zapping le même crédit qu’à ses autres textes. S’il tire la sonnette d’alarme quant à des problèmes sur lesquelles il est nécessaire de réfléchir, il tombe ici dans un manichéisme que l’on aime le voir éviter. Nul doute que ce morceau suffira à enthousiasmer les convaincus du propos, bien entendu. Mais, à travers les morceaux qui jalonnent son EP, on comprend sans équivoque que la volonté de Sim’s est de parler à un public élargi. Pas seulement un public typé rap. Et, surtout, pas seulement un public, de premier abord, d’accord avec lui. Or, en se montrant peut-être un peu brutal, dans Zapping, Sim’s risque de refouler ce dernier.
Néanmoins, les autres morceaux nous permettent de retrouver un Sim’s plus appliqué à peser le pour et le contre, plus interrogateur que militant fervent. Au-delà de ses yeux est l’occasion pour lui de dédier un texte à celle qui semble occuper son cœur. Plus doux et plus tourmenté que jamais, le jurassien rappe ses doutes, son malaise face au fait d’être amoureux. Ici, le rap est pleinement exutoire; la piste 3 d’Etats d’hommes faisant figure d’aller simple pour les pensées intimes de son auteur. L’ambiance feutrée de la musique contribue à faire d’Au-delà de ses yeux le morceau le plus personnel du disque. Si personnel, du reste, qu’il n’est pas forcément facile d’y entrer, de se prendre au jeu.
Parce que tout seul n’est pas le morceau le plus accrocheur du maxi, à première vue. Néanmoins, au fil des écoutes, la production très réussie, mélancolique et, pourtant, pleine de groove, et le rap de Sim’s prennent toutes leur puissance. Incontestablement, ce titre est celui où Sim’s rappe de la plus belle manière. Rendant son flow plus technique, sans jamais négliger le fond, il fait preuve d’un potentiel terriblement intéressant. On se rend compte, alors, que c’est la première fois que l’on considère – aussi – le rap pour ce qu’il est. Et, séduit, l’auditeur ne peut que regretter que Sim’s n’ait, d’un point de vue strictement technique, mis la barre un peu plus haut tout au long du disque. Bien entendu, il s’agit d’un choix, effectué au regard d’idéaux largement défendables. Mais, en démontrant l’espace d’un titre l’étendue de ses capacités, Sim’s donne envie de plus…
Est-il usurpé de consacrer un paragraphe au titre qui donne son nom à l’EP? Pas vraiment. En effet, Etats d’hommes, qui clôt l’opus, accueille Sako, la voix des Chiens de Paille. Un évènement, en soi: deux des plus belles plumes de leurs games respectifs se confrontent. Se retrouvent, plutôt, l’espace d’un morceau. S’ensuit, forcément, un déluge de rimes bien pensées et de réflexions intéressantes. Un texte, clamé par deux voix, magnifique. La production du Pacte des Loops, une fois encore, tient toutes ses promesses. L’ambiance est lourde, un rien solennelle. Tout ce qu’il faut. Après, pour tenir, au micro, la comparaison avec Sako… Il en faut beaucoup. Le français, charismatique comme jamais, techniquement irréprochable, se montre intouchable. Et, du coup, la performance de Sim’s en pâtit quelque peu. Moins détendu qu’ailleurs, peut-être crispé par l’occasion, trop appliqué, il n’est pas à son meilleur sur le morceau. Etats d’hommes n’en demeure pas moins un des tous meilleurs titres du disque et une réussite indéniable.
Les quelques bémols évoqués plus haut ne doivent tromper personne: ce disque de Sim’s est, pour peu que l’on adhère à sa conception du rap, à sa démarche, très enthousiasmant. D’un point de vue lyrical, comme dirait Sinik, le Jurassien a mis la barre trop haut, seul un avion pourra… Euh, bref. Techniquement parlant, il est capable de beaucoup, mais il choisit souvent de ne pas le montrer, comme pour orienter l’auditeur sur ce qui, pour lui, est primordial dans le rap. Musicalement, le disque est très cohérent, très mélodique et souvent mélancolique. Le Pacte des Loops montre, après avoir mis en son l’Anathorythme de La Vacuna, une autre facette de sa personnalité, facette que l’on ne saurait qu’apprécier. Les invités s’acclimatent fort bien à l’univers de Sim’s et chacun d’eux apporte réellement quelque chose à l’ensemble.
Au final, cet EP de Sim’s est un disque que l’on se plaira à réécouter. Sa richesse, textuelle et musicale, lui assurera sans doute une longue durée de vie et un vieillissement intéressant. Ce n’est pas un album à écouter avant de sortir crunker sa life en boîte, car la mélancolie qui marque bon nombre des chansons à tendance à être contagieuse. Preuve en est de la réussite de notre rap star jurassienne, il parvient comme personne à transmettre des émotions, des états d’âmes. Ce, qui plus est, à travers des textes qui, bien que denses, demeurent très compréhensibles. Bref. Malgré quelques petits bémols, cette première sortie de Sim’s sur Polak Recordz, c’est du pur kif.
imagehttp://img145.imageshack.us/my.php?image=cd2ze8.jpgsonhttp://www.reprezent.ch/v3/autres/sims/index.phpvidéosVernissage 02.06.06 - Interculturel Porrentruy
http://www.fucksims.ch/vernissage.wmvEnregistrement maxi - Episode 2 (avec Markus Moser)
http://www.fucksims.ch/maxi2.wmv